"la société malade de sa gestion"

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Vincent de Gauléjac, sociologue à Paris VII, décrit sans relâche les mutations du travail. Lui et les chercheurs du Laboratoire du changement social réfléchissent depuis plus de trente ans aux évolutions du monde du travail, à ses désorganisations et aux conséquences qu'elles induisent sur les individus.

Que dit Vincent de Gauléjac? Que « l'idéologie gestionnaire », un concept qu'il a développé dans un ouvrage référence, La société malade de la gestion (Seuil, 2005) mine les individus. Globalisation financière, instantanéité des moyens de communication, primauté de l'efficacité. : Vincent de Gauléjac décrit des individus sommés de faire toujours plus, toujours mieux, toujours plus vite. Et seuls, désespérement seuls, face aux injonctions parfois contradictoires des professionnels des ressources humaines.

Au passage, le sociologue épingle le rapport Légeron sur les risques psychosociaux au travail, remis mi-mars par un psychiatre, Patrick Légeron, au ministre du Travail, Xavier Bertrand. Un rapport qui, faute de s'attaquer aux causes réelles du mal-être au travail, ne fait qu'en proposer une grille de lecture «objective». Selon le sociologue, cette démarche est vouée à l'échec.


« L'idéologie gestionnaire » au pouvoir.

Elle est partout, mais personne ne la voit. Vincent de Gauléjac la décrypte pour nous, cette "idéologie de la gestion" qui imprègne notre vie au travail sans que l'on n'y prête attention. « Le processus est à l'oeuvre depuis trente ans, le modèle s'est répandu partout, dans les multinationales d'abord, mais aussi dans les autres entreprises, dans les entreprises publiques et aujourd'hui dans le service public ». L'objet de ce pouvoir managérial omnipotent? «La psyché, répond Vincent de Gauléjac. L'entreprise vous propose de vous réaliser, d'avancer, de devenir excellent. Zéro défaut. L'idéal devient la norme. Si vous ne réussissez pas, c'est que vous êtes mauvais». Conséquence du succès de cette idéologie : avant, les salariés se révoltaient. Aujourd'hui, ils «stressent »

 Le règne des ressources humaines.

Dans chaque entreprise de taille suffisante, les "RH" sont devenues incontournables et ont insidieusement modifié le sens du travail. « On inverse les facteurs. L'homme devient une ressource pour le développement de l'entreprise. » Le moi de chaque individu est devenu un capital à faire fructifier. Ce règne des RH, impossible de le contester pour autant. Car le discours des ressources humaines se présente sous des atours séduisants : il prétend vouloir libérer la créativité, l'autonomie contre le pouvoir répressif des patrons d'autrefois.

 La lutte des places a remplacé la lutte des classes.

Etre le meilleur, sans cesse. Se retrouver parmi les premiers, les mieux notés, les plus performants. Vincent de Gauléjac montre comment la vieille vulgate marxiste de la lutte historique des dominants contre les dominés a sombré, définitivement défaite par le culte de l'excellence. Dans cette course folle, chacun se retrouve bien seul. Et le monde se partage en trois planètes : les meilleurs, les exclus et la masse de ceux qui n'ont qu'une angoisse, perdre leur travail, eux aussi.

 Le rapport Légeron : un rapport « scandaleux »

Vincent de Gauléjac n'a pas apprécié la teneur du rapport Nasse-légeron sur les risques psychosociaux au travail, récemment remis au gouvernement. «Ce rapport est fait pour désamorcer le débat public», affirme Vincent de Gaulégac. Car, selon le sociolgue de Paris VII, ce rapport refuse de s'attaquer à la complexité du mal-être au travail en cherchant à le quantifier, plutôt qu'à proposer de s'attaquer aux causes des suicides, des dépressions et de cette angoisse que l'on appelle généralement le «stress». «La création d'indicateurs n'améliorera rien du tout», prédit-il. «On ne fait qu'évacuer le problème.»

 Les impasses du management par objectif

Et s'il avait rédigé ce rapport? Vincent de Gauléjac aurait, encore une fois, proposé que l'on s'attaque aux racines de l'idéologie gestionnaire. Et à son pendant, le «management par objectif» qui ordonne à chacun de «faire mieux avec moins». «On vous fixe un objectif à 100, on vous demande de faire 110 ou 120 et l'année d'après, ce que vous avez réalisé redevient 100.» Une spirale infernale qui inspire aussi les grandes entreprises publiques, comme la RATP, la SNCF ou la Poste affirme-t-il. Et provoque chez les guichetiers, les postiers ou les cheminots, baignés jusque là dans la culture du service public, une drôle d'impression : celle de ne plus comprendre très bien à quoi ils servent. Cette perte de sens dans les grandes entreprises publiques a très bien été étudiée par certains des chercheurs du Laboratoire de changement social, comme Fabienne Hannique (Le sens du travail, 2004, Ed. Eres), qui a passé plusieurs mois dans un bureau de poste auprès des employés.

 

 

 

 

 


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