Contestation d'un avis d'inaptitude

Contestation de l'avis d'inaptitude : des précisions sur la procédure à suivre

Depuis le 1er janvier 2017, la contestation d'un avis d'(in)aptitude relève de la compétence du conseil de prud'hommes et doit suivre une procédure particulière. Devant les difficultés pratiques de mise en œuvre de cette nouvelle procédure, un décret vient d'apporter quelques réponses.

D. n° 2017-1008, 10 mai 2017, art. 6 : JO, 11 mai

Si le salarié ou l'employeur conteste les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'(in)aptitude émis par le médecin du travail, il peut saisir le conseil de prud'hommes pour demander la désignation d'un médecin expert, dans un délai de 15 jours (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-45).

Remarque : avant le 1er janvier 2017, c'était l'inspecteur du travail qui était compétent. La loi Travail a transféré cette compétence au conseil de prud'hommes.

 

Mais de nombreuses lacunes sont apparues sur le déroulé de la procédure et ses effets rendant pratiquement impossible  l'utilisation de ce recours.

 

Un décret vient d'apporter quelques précisions nécessaires mais maintient encore un certain nombre d'incertitudes. Le tableau ci-après reprend les principaux points de la procédure de contestation.

 

Principaux points de la procédure de contestation de l’avis d’(in)aptitude

Précisions du décret du 10 mai 2017

Observations

Procédure applicable devant le conseil de prud’hommes

La demande de désignation d’un médecin expert est portée devant la formation de référé, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’avis d’(in)aptitude (C. trav., art. L. 4624-7 et R. 4624-45).
Le décret précise que la formation de référé statue dans les conditions de l’article R. 1455-12 relatif aux référés en la forme (C. trav., art. R. 4624-45-I).

Remarque : la demande en référé est formée par le demandeur par acte d’huissier de justice (la copie de l’assignation est remise au greffe, au plus tard la veille de l’audience) ou par requête. Le conseil de prud’hommes statue par ordonnance ayant autorité de chose jugée (C. trav., art. R. 1455-12).

Le médecin–expert désigné doit figurer dans la liste des experts de la cour d’appel. Il ne s’agit pas obligatoirement d’un médecin expert en médecine du travail.
Le décret ne précise pas le délai de désignation du médecin-expert par la formation de référé.
Il ne fixe pas non plus le  délai dans lequel le médecin-expert doit rendre sa décision. Ce sera à la formation de référé de fixer ce délai.
 
 
 

Rôle du médecin du travail

Le demandeur informe le médecin du travail qu’il conteste l’avis d’(in)aptitude. Ce dernier devra communiquer le dossier médical du salarié au médecin-expert si ce dernier lui demande  (C. trav., art. L. 4624-7).
Le médecin du travail informé de la contestation n'est pas partie au litige. Il peut être entendu par le médecin-expert (C. trav., art. R. 4624-45-I).

Le médecin du travail n’étant pas partie au litige, il n’est donc pas possible pour les juges, lorsque l’avis rendu par le médecin expert est différent de l’avis contesté, de décider qu'il devra prendre en charge  les frais de justice et d’expertise.

remarque : en revanche, il n’est pas interdit, à notre avis, de former une action récursoire pour mettre en jeu la responsabilité du médecin du travail ou du service de santé du travail si une négligence est relevée.

Intervention du médecin inspecteur du travail

La formation de référé ou, le bureau de jugement, peut charger le médecin inspecteur du travail d’une consultation relative à la contestation, dans les conditions prévues aux articles 256 à 258 du code de procédure civile (C. trav., art. L. 4624-7-III).
Le décret précise que la formation de référé ou le bureau de jugement ne peut charger le médecin inspecteur du travail d’une consultation qu’après avoir désigné le médecin –expert (C. trav., art. R. 4624-45-2).
 

La consultation d’un médecin inspecteur du travail peut être fortement utile pour le médecin expert qui sera rarement un médecin du travail en raison de leur faible nombre au niveau national ( il n'y aurait que 6 médecins experts en médecine du travail auprès de  l’ensemble des cours d’appel françaises!).

Effet juridique de l'avis d'(in)aptitude rendu par le médecin expert
 

La décision issue de la formation de référé se substitue aux éléments de nature médicale de l'avis d'(in)aptitude contesté (C. trav., art. R. 4624-45-1).

Il semble donc que l'expertise se limite à rechercher si l'avis d'(in)aptitude contesté correspondant ou non à l'état de santé du salarié. Elle ne porte pas sur les mentions de l'avis sans rapport avec l'état de santé du salarié. Cette expertise déterminera ainsi le salarié est apte ou non  et/ou si les préconisations du médecin du travail (adaptation du poste ou  reclassement sur un autre poste) sont ou non compatibles avec son état de santé.
La décision du médecin-expert n'est pas un nouvel avis d'(in)aptitude mais amende (ou non) l'avis initial.
Pour la procédure d'inaptitude, c'est donc la date de notification de l'avis initial qui est à prendre en compte.
Une question reste en suspens : un recours contre la décision du médecin expert est il possible?

Frais d’expertise

Le règlement des frais d’expertise n’est pas prévu par la loi  Travail : elle se contente de préciser que « la formation de référé peut décider de ne pas mettre les frais d’expertise à la charge de la partie perdante » (C. trav., art. L. 4624-7).
Le décret apporte quelques précisions C. trav., art. R. 4624-45-1) :
- le président de la formation de référé fixe la rémunération du médecin-expert :
- la provision des sommes dues au médecin-expert désigné est consignée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ;
- la libération des sommes consignées est faite par la CDC sur présentation de l’autorisation du président de la formation de référé.
 

En pratique, le risque est grand que ce soit systématiquement le demandeur qui règle  la provision des frais d’expertise et que cette provision serve à payer l’expertise.
La possibilité pour la  formation de référé de  ne pas mettre ces frais à  la charge du demandeur lorsqu’il n’a pas obtenu gain de cause risque de ne pas être beaucoup utilisée. En effet, comme il n’y a pas de défendeur, on ne voit pas bien qui sera désigné pour régler les frais d’expertise à la place du demandeur « perdant ».
Est-ce que l’employeur peut être désigné par la formation de référé comme redevable de ces sommes ? or il n’est pas partie au litige puisque la contestation de l’avis d’(in)aptitude n’a pas été formée à son encontre.

Remarque : s’il s’avère que le médecin du travail a commis des négligences dans le constat d’inaptitude, il reste toujours la possibilité d’une action récursoire en responsabilité de ce médecin ou du service de santé au travail pour se faire rembourser les frais d’expertise. Mais il faudra démontrer l’existence de ces négligences ou fautes et leur lien avec le préjudice subi.


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