La dérive manageriale du secteur médico-social

Elections professionnelles 2019 : Faites confiance à la CGT qui a prouvé sa capacité à défendre sérieusement les intérêts des salariés de l'ARERAM

 

   

Vincent de Gauléjac, sociologue à Paris VII, décrit sans relâche les mutations du travail. Lui et les chercheurs du Laboratoire du changement social réfléchissent depuis plus de trente ans aux évolutions du monde du travail, à ses désorganisations et aux conséquences qu'elles induisent sur les individus.

Que dit Vincent de Gauléjac? Que « l'idéologie gestionnaire », un concept qu'il a développé dans un ouvrage référence, La société malade de la gestion (Seuil, 2005) mine les individus. Globalisation financière, instantanéité des moyens de communication, primauté de l'efficacité. : Vincent de Gauléjac décrit des individus sommés de faire toujours plus, toujours mieux, toujours plus vite. Et seuls, désespérement seuls, face aux injonctions parfois contradictoires des professionnels des ressources humaines.

Au passage, le sociologue épingle le rapport Légeron sur les risques psychosociaux au travail, remis mi-mars par un psychiatre, Patrick Légeron, au ministre du Travail, Xavier Bertrand. Un rapport qui, faute de s'attaquer aux causes réelles du mal-être au travail, ne fait qu'en proposer une grille de lecture «objective». Selon le sociologue, cette démarche est vouée à l'échec.


« L'idéologie gestionnaire » au pouvoir.

Elle est partout, mais personne ne la voit. Vincent de Gauléjac la décrypte pour nous, cette "idéologie de la gestion" qui imprègne notre vie au travail sans que l'on n'y prête attention. « Le processus est à l'oeuvre depuis trente ans, le modèle s'est répandu partout, dans les multinationales d'abord, mais aussi dans les autres entreprises, dans les entreprises publiques et aujourd'hui dans le service public ». L'objet de ce pouvoir managérial omnipotent? «La psyché, répond Vincent de Gauléjac. L'entreprise vous propose de vous réaliser, d'avancer, de devenir excellent. Zéro défaut. L'idéal devient la norme. Si vous ne réussissez pas, c'est que vous êtes mauvais». Conséquence du succès de cette idéologie : avant, les salariés se révoltaient. Aujourd'hui, ils «stressent »

 Le règne des ressources humaines.

Dans chaque entreprise de taille suffisante, les "RH" sont devenues incontournables et ont insidieusement modifié le sens du travail. « On inverse les facteurs. L'homme devient une ressource pour le développement de l'entreprise. » Le moi de chaque individu est devenu un capital à faire fructifier. Ce règne des RH, impossible de le contester pour autant. Car le discours des ressources humaines se présente sous des atours séduisants : il prétend vouloir libérer la créativité, l'autonomie contre le pouvoir répressif des patrons d'autrefois.

 La lutte des places a remplacé la lutte des classes.

Etre le meilleur, sans cesse. Se retrouver parmi les premiers, les mieux notés, les plus performants. Vincent de Gauléjac montre comment la vieille vulgate marxiste de la lutte historique des dominants contre les dominés a sombré, définitivement défaite par le culte de l'excellence. Dans cette course folle, chacun se retrouve bien seul. Et le monde se partage en trois planètes : les meilleurs, les exclus et la masse de ceux qui n'ont qu'une angoisse, perdre leur travail, eux aussi.

 Le rapport Légeron : un rapport « scandaleux »

Vincent de Gauléjac n'a pas apprécié la teneur du rapport Nasse-légeron sur les risques psychosociaux au travail, récemment remis au gouvernement. «Ce rapport est fait pour désamorcer le débat public», affirme Vincent de Gaulégac. Car, selon le sociolgue de Paris VII, ce rapport refuse de s'attaquer à la complexité du mal-être au travail en cherchant à le quantifier, plutôt qu'à proposer de s'attaquer aux causes des suicides, des dépressions et de cette angoisse que l'on appelle généralement le «stress». «La création d'indicateurs n'améliorera rien du tout», prédit-il. «On ne fait qu'évacuer le problème.»

 Les impasses du management par objectif

Et s'il avait rédigé ce rapport? Vincent de Gauléjac aurait, encore une fois, proposé que l'on s'attaque aux racines de l'idéologie gestionnaire. Et à son pendant, le «management par objectif» qui ordonne à chacun de «faire mieux avec moins». «On vous fixe un objectif à 100, on vous demande de faire 110 ou 120 et l'année d'après, ce que vous avez réalisé redevient 100.» Une spirale infernale qui inspire aussi les grandes entreprises publiques, comme la RATP, la SNCF ou la Poste affirme-t-il. Et provoque chez les guichetiers, les postiers ou les cheminots, baignés jusque là dans la culture du service public, une drôle d'impression : celle de ne plus comprendre très bien à quoi ils servent. Cette perte de sens dans les grandes entreprises publiques a très bien été étudiée par certains des chercheurs du Laboratoire de changement social, comme Fabienne Hannique (Le sens du travail, 2004, Ed. Eres), qui a passé plusieurs mois dans un bureau de poste auprès des employés.

 

 

 

Cela fait donc bien longtemps qu'à la CGT nous dénonçons l'entrée massive des idées néo libérales dans le travail social. Nos camarades de l'aide à domicile, de l'insertion professionnelle, du secteur adulte, de la protection judiciaire ont vu leurs institutions s'ouvrir à la concurrence et au marché sous prétexte que les financements se raréfiaient et qu'il fallait par conséquence céder ce qui était censé relever de la Solidarité nationale au privé concurrentiel. Nous avons tous constaté l'arrivée de ces nouveaux termes issus directement du monde de l'entreprise et qui laissait préfigurer la situation d'aujourd'hui. Mieux qu'un long exposé,  nous vous laissons  écouter Michel  Chauvière, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (CERSA) CNRS/Paris-II dont les travaux portent essentiellement sur les politiques du social et du familial. Il nous livre dans la vidéo qui suit son analyse de l'évolution du secteur social.

 

Intervention de Michel Chauvière dans le cadre d'un colloque "travail social à l'épreuve du management et des impératifs gestionnaires"en juillet 2009

 

La réduction des dépenses publiques sert désormais d'alibi et ouvre la porte de la privatisation à outrance.  Après le sanitaire, au tour  du médico-social et du social  d'être disséqués, étudiés, analysés, rationalisés grâce à des outils dont l'objet est de mesurer quantitativement l'intervention tout en mettant de côté son aspect qualitatif. Indicateurs financiers, convergence tarifaire, mutualisation des moyens, nous n'osons même pas parler de la "démarche qualité", qui  à part de permettre à quelques intervenants externes de se remplir les poches, n'a, paradoxalement d'autres ambitions que d'accompagner la réduction des coûts. Ces outils ont pour seul objectif de limiter les dépenses  au détriment de l'aspect qualitatif de nos prises en charge et surtout sans se préoccuper des dommages sociaux que tout ce système peut causer aux salariés.

Peu prolixes sur les politiques qui se mettent en oeuvre dans le secteur, les responsables d' association ont, bon gré, mal gré, accompagné  sa transformation. Le décalage entre les valeurs qui  ont porté leurs prédecesseurs et leur absence de réactions aujourd'hui  face aux politiques mises en oeuvre à de quoi nous indigner. Timidement, certains d'entre eux  tentent de sauver la face en commentant le virage historique que prend notre secteur. Conscients d'être instrumentalisés, ils se manifestent en rédigeant quelques écrits, qui au-delà d'ouvrir le champs de leur déculpabilisation  révèlent s'il le fallait que les modes d'expression du militant  du secteur associatif ont bien changé.

 

 texte d'un Collectif inter-associatif

  

En matière de réduction des coûts l'Areram n'est pas en reste :

   Ces dernières années, le conseil d'administration a fait le choix de  se débarrasser de ses services cuisine et d'une partie de ses salariés, entrés pour certains il y a plus de quinze ans dans l'Association pour les céder à des sous-traitants comme Sodexo et Medirest. Officiellement , il s'agit pour L'Areram de mieux se consacrer au "coeur du métier", dans les cas précis l'éducation, en sous-traitant le risque alimentaire.En 2008, à l'IME Escat de Marseille , la cuisine refaite de neuf avec des fonds publics avait été livrée clef en main à Sodexo, sacrifiant au passage  le cuisinier quittant contre son gré  l'Areram pour Sodexo , avec une perte de salaire de 150 euros mensuels.

 

 

La CGT s'est opposée et s'oppose encore aujourd'hui  à ces projets pour plusieurs raisons:

Nous refusons les suppressions de poste qui participent à un affaiblissement  des effectifs de  l'Areram à l'heure où les politiques publiques  demandent aux associations de se regrouper et que dans ce cadre les plus petites associations vont disparaître.(l'effectif des salariés est jusqu'à preuve du contraire, l'indicateur en matière d'importance de l'association)

Nous refusons cette suppression de poste incohérente au regard du constat fait par la direction elle même, de manques importants au niveau de l'effectif du personnel chargé de  l'entretien des locaux.

Nous nous refusons à considérer comme normal que l'Areram confie des pans de ses activités à des entreprises qui ont pour pratique "le temps partiel subi" qui plus est à un taux extrêmement bas.   

L'Areram participe donc et alors que rien ne l'oblige à agir  ainsi,  à placer des employés sous le minimum de pauvreté ce qui est un comble pour une association dont une des mission principale est de favoriser l'insertion des publics en difficulté et non pas de créer de la difficulté.

  

Ce coeur de métier si présent dans le discours stéréotypé de nos "managers", quels services concerne t'il ?

 

Les éducateurs, moniteurs éducateurs, AMP, enseignants pensent  encore naîvement faire partie de ce coeur de métier supposé non externalisable .Guillaume Chanson, chercheur du CNRS a travaillé sur le sujet dans sa thèse dont nous conseillons la lecture aux professions supposées  dans le coeur de métier et qui se pensent à ce titre  à l'abri de l'externalisation.

En ce qui concerne le secrétariat et la comptabilité : Sodexo développe depuis plusieurs années ses interventions dans ce secteur des entreprise. Rien de plus simple que d'externaliser un service de paie ou de comptabilité, des employeurs de notre secteur ont commencé à le faire .Nous ne parlons pas de l'entretien , premier secteur concerné par ces abandons  à la sous traitance .

Sodexo a très bien perçu la faille dans cette référence au coeur de métier : Cette société évite  de se cantonner à un seul savoir faire et s'oriente vers plusieurs coeur de métiers .

 

L'expérience de l'Institut Gustave Roussy

 

 Une entreprise ne peut pas externaliser des services dans n’importe quelles conditions : la cour d’appel de Paris l'a rappellé en 2007 en ordonnant à l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif (Val-de-Marne) de réintégrer 54 salariés qui avaient été transférés vers deux entreprises sous-traitantes de restauration et d’entretien dont Medirest. Une externalisation qui, selon la CGT, avait pour but de supprimer des emplois de manière détournée. 

Selon une déléguée CGT:

« Les garanties de transfert étaient maigres,  Les salariés gardaient les acquis de notre convention collective pendant 15 mois, ensuite ils pouvaient être alignés sur les autres employés de ces sous-traitants, qui travaillent à des conditions nettement moins favorables. »  L’externalisation était un plan social déguisé car « le contrat de l’institut avec ces entreprises prévoyait une réduction des effectifs ».

Ainsi, ISS récupérait 120 salariés, mais devait à terme faire le travail avec 75 personnes. Medirest en reprenait 80, mais avec un « effectif cible » de 42. Soit 88 suppressions de postes au total. L’objectif se confirme puisqu’au bout de quatorze mois une cinquantaine d’« externalisés » ont déjà été licenciés ou ont démissionné d’ISS et de Medirest.

Le transfert est illégal

Dans son arrêt, la cour d'appel  rappelle que les contrats de travail ne peuvent être transférés « qu’en cas de transfert d’une entité économique autonome, poursuivant un objectif propre ». Or, en s’appuyant sur le Code de santé publique, la cour souligne que l’entretien des locaux, l’hygiène et la restauration font partie de la prise en charge globale des malades, « participent à une action commune confiée à une équipe dont ils sont partie intégrante », ce qui rend illégal le transfert. En conséquence, elle ordonne sous astreinte de 100 euros par jour à l’Institut de réintégrer les 54 salariés concernés".

 

Ce raisonnement mené par la cour d'appel de Paris selon lequel " l'hygiène et la restauration font partie de la prise en charge globale" est conforté dans les Instituts médico éducatifs par l'option prise par le  financeur de ne consentir  à verser le prix de journée qu'à la condition que l'usager prennent son repas dans l'institution. Vient aussi à l'appui de ce raisonnement le fait que  le repas dans ces institutions  reste un temps éducatif encadré par les éducateurs, qui interviennent autant sur la tenue à table que sur  la façon de s'alimenter.

 

 


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